Difficile de résister, quand on se penche sur le cajón et les instruments afro-péruviens, aux multitudes de formes artistiques et culturelles qui s’y rattachent. Cuisine, danses, costumes, poésie… toutes participent de cet univers côtier et afro-péruvien.
La décima est une forme poétique d’origine espagnole, commune à de nombreux pays d’Amérique Latine, s’inscrivant dans une longue tradition d’improvisation littéraire venue aussi bien d’Europe que d’Afrique. Les Afro-Péruviens ont été et restent encore de grands représentants de cette pratique populaire.
Comme son nom l’indique, la décima se compose de dix vers, octosyllabiques, dont les rimes sont organisées sur le schéma ABBAACCDDC. Les décimas au Pérou sont très souvent récitées ou chantées sur le modèle de pie forzado (pied forcé). Elles commencent par une strophe de quatre vers, qui servent chacun de guide thématique et de vers final aux décimas/strophes suivantes. Ce que l’on appelle une décima est en fait un poème constitué de quatre décimas, c’est-à-dire de quatre strophes de dix vers.
La tradition de la récitation ou du chant de décimas au Pérou est particulièrement vivante dans les départements du Nord (Lambayeque, Piura), à Lima, Ica et Arequipa. Par le passé, ces performances de décimas offraient un divertissement lors des réunions domestiques. Le talent des décimistes était régulièrement mis à l’épreuve lors de compétitions de décimas, autrement appelées“contrepoints de décimas“, qui naissaient spontanément dans les fêtes et les troquets.
Encore aujourd’hui, ce type de décima est toujours pratiqué dans divers localités du Nord. A Zaña, Hildebrando Briones, auteur de 450 décimas, en est le meilleur représentant.
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La décima est donc une forme poétique populaire, s’appuyant sur le vocabulaire simple de tous les jours. Elle s’adresse à tous, sur tous les sujets, “de l’anniversaire de votre mère, aux aventures de votre père, des problèmes sociaux à l’environnement, en passant par l’amour de la terre et du pays“, nous dit Hildebrando Briones.
La décima peut être chantée et/ou accompagnée discrètement par la guitare. Cet accompagnement est appelé socavón.
Un autre poète et décimiste originaire de Lima, a donné son nom à ce film : Ritmos Negros del Perú (“Les Rythmes Noirs du Pérou“). Il s’agit de Nicomedes Santa Cruz (1925-1992), chantre de la négritude au Pérou, et auteur de nombreuses décimas inspirées de la vie populaire péruvienne, et en particulier des traditions afro-péruviennes.
Ritmos Negros del Perú, récité par Nicomedes Santa Cruz
Ritmos de la esclavitud De África llegó mi abuela Por una moneda sola En la plantación de caña Murieron los negros viejos |
Rythmes de l’esclavage D’Afrique est venue ma grand-mère Pour une seule pièce de monnaie Dans la plantation de canne Les vieux Noirs moururent |
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* N. santa Cruz fait ici référence à la décima chantée.
** Genres musicaux afro-péruviens.