RAFAEL SANTA CRUZ (1960-2014)

 

 

Sa présence rassure, impressionne, fascine. Chaleureux, dès la première poignée de main ; amical, dès la première accolade. Sa pensée suit le cours d’un exposé maintes fois répété, tandis que ses zygomatiques s’activent et que ses bras battent le vent, au rythme du verbe, des heures durant.

Notre première rencontre avec Rafael Santa Cruz, dans ce café de Barranco à Lima en juillet 2013, sera un cours magistral. Rarement nous n’étions sortis d’un entretien aussi émerveillés. Rafael connaît son sujet – il a écrit un livre dessus – et il peut digresser pendant des heures, sans perdre son public, toujours généreusement. Du cajón péruvien, il s’est fait l’ambassadeur. “No te olvides que es afroperuano !“ (“N’oublie pas qu’il est afro-péruvien!“) nous dit-il, et cette phrase pourrait résumer tout son engagement. Là où son oncle (Nicomedes Santa Cruz) et sa tante (Victoria Santa Cruz) collectaient et étudiaient la culture afro-péruvienne, l’un par la poésie et l’autre par la danse, dans une démarche proche du mouvement de la négritude, lui s’est fait musicien cajonero, chercheur sur le sujet et producteurs aux projets divers. (Il était aussi acteur, mais ceci est une autre histoire).

Son ouvrage, El cajón Afro-Peruano, donne corps à ce symbole national, et le réinscrit dans une perspective historique. S’il compte rectifier l’histoire, il le fait avec la modestie du chercheur dont les écrits reposent avant tout sur les rares traces de l’histoire d’une communauté marginalisée. Rassembleur de talents, il tient aussi à créer des ponts vers l’étranger. Le cajón est encore le prétexte lorsqu’il crée le premier Festival International de Cajon Peruano. C’est dans ce cadre qu’il créera, et décrochera, le record du plus grand nombre de cajones joués simultanément sur la Plaza de Armas de Lima. Ses apparitions sur scène dans le documentaire sont en réalité les débuts officiels de son groupe AfroPerú.

Nous avons passé des heures, à deux caméras et six oreilles, à écouter et à questionner ce conteur, généreusement accueillis dans l’antichambre de son élégante maison républicaine du sud de Lima dans le quartier de Chorrillos. En avril 2014, Ritmos Negros del Peru a eu le privilège d’être présenté en avant-première mondiale au festival du cajón.

Rafael nous a quitté le 4 août 2014, un peu plus d’un an après notre première rencontre. Dans Ritmos Negros del Peru, il est la voix sage du chercheur, l’autorité de l’histoire, le musicien-militant. Il était, surtout, un ami. Nous avons dédié Ritmos Negros del Peru à la mémoire de cet homme passionné. Nos pensées et notre amitié vont à sa famille et ses proches.

Gracias maestro !

Démonstration de cajón et de cajita par Rafael et son fils Jair Santa Cruz.


© 2014 Ritmos Negros del Peru : Al Son de la Madera